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Blog de Séverine Bourguignon, artiste et thérapeute
2 avril 2014

DANS LA PEAU D'UN OURS

Il y a quelques semaines, je vous avais déjà fait part de mon enthousiasme pour lle Musée de la nature et de la chasse.
Ca se confirme avec cet article publié aujourd'hui sur le site du Monde http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/04/02/dans-la-peau-d-un-ours-pendant-treize-jours_4393594_3246.html

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Dans ce lieu insolite et raffiné qu'est le Musée de la chasse et de la nature, au cœur du Marais à Paris, la présence d'un ours naturalisé au beau milieu d'un salon bourgeois passerait presque inaperçue. Sauf que celui-ci est « habité » par l'artiste Abraham Poincheval, spécialiste des immersions extrêmes, qu'elles soient itinérantes ou statiques. Le performeur s'est glissé dans la peau de l'animal pour treize jours, mardi 1er avril en fin de matinée.

Avant qu'il débute son « voyage intérieur », nous l'avons interrogé  sur sa démarche et sa préparation pour ce qui est à ce jour son plus long enfermement volontaire. Il s'est dit « un peu stressé », avant de préciser en souriant : « Avant de s'enfermer dans un ours, on est toujours un peu tendu. » Si elle peut paraître loufoque dans sa forme, l'expérience n'en est pas moins profonde pour l'artiste, qui évoque un « côté magique », presque chamanique.

« UN ANIMAL PAS TROP EXOTIQUE »

L'idée de cet étonnant dispositif lui est venue en 2012, alors qu'il achevait une longue performance à travers les Alpes. « Je poussais un habitacle circulaire de Digne-les-Bains jusqu'en Italie. J'ai dormi dans la capsule et, la nuit, les animaux venaient s'y frotter ou manger mes restes. Immergé dans leur territoire, j'ai cohabité avec tous ces petits yeux dans la nuit au cours des quatre saisons. » Le retour parmi les humains fut un peu violent. « Les premières personnes que j'ai rencontrées à l'issue de ce voyage étaient des gardes-chasse, qui portaient des dépouilles d'animaux. Voir ces bêtes mortes, alors que je les avais peut-être croisées vivantes quelques jours plus tôt, m'a fait un effet très fort. » D'où l'envie de retrouver cette « sensation » de proximité avec les animaux en se mettant dans la peau de l'un d'eux.

Il fallait en trouver un qui puisse le contenir, quelque menu soit l'homme de 43 ans, 1 m 72 pour 55 kilos. « Je cherchais un animal pas trop exotique. J'ai commencé à faire des recherches sur l'ours et je me suis rendu compte qu'il avait une longue histoire avec les hommes. Dès la préhistoire, il existait des rites ursins, il apparaît sur des blasons au Moyen-Age et on le retrouve dans des mythes aussi bien en Asie qu'en Amérique du Nord ou centrale. »

UN CHEVAL DE TROIE AVEC TOUT LE CONFORT MODERNE

Abraham Poincheval est dans la peau de l'ours, dans le sens où il s'agit du pelage d'un ours, mais le « squelette » de l'animal a été reconstruit en bois, un peu « aggrandi » au passage. L'artiste a commencé à produire la structure au Musée Gassendi de Digne-les-Bains il y a deux mois. Il recherchait un espace adapté pour l'accueillir. La rencontre avec le directeur du Musée de la chasse et de la nature, Claude d'Anthenaise, emballé par la démarche, a été décisive. 

Voyageur intérieur, l'artiste invoque Ulysse et le Cheval de Troie. L'équipement de cet animal habité des temps modernes est en tout cas optimal, avec l'eau, électricité, et même une petite ventilation mécanique contrôlée (VMC). Le socle sur lequel est exposé l'ours est en fait un plancher technique. Y est dissimulée une réserve de 30 litres d'eau dans laquelle l'artiste peut puiser grâce à un tuyau installé dans la patte avant gauche de l'animal. Une évacuation sanitaire passant par cette même jambe permet à l'artiste d'évacuer ses déjections vers des caissons encastrés. Quant à l'ergonomie de l'habitacle, dont le sol est recouvert d'un fin matelas de mousse, elle a donné lieu à un mois d'essais nocturnes pourêtre le plus confortable possible.

UN SAUCISSON, QUAND MÊME

Aucun ravitaillement n'est prévu, le performeur a travaillé avec un cuisinier afin d'élaborer « des repas des sous-bois », au plus près des habitudes de l'ours : des champignons, des insectes ou encore du poisson. Les repas sont déshydratés et stockés dans des sachets en plastique sous vide à ses pieds. Une bouilloire permet de les réchauffer. On notera quand même la présence d'un saucisson suspendu dans l'habitacle.

Une fois en place, Abraham Poincheval est sur le dos, la tête au niveau du cou de l'ours. Pour entretenir sa condition physique dans cet espace réduit, il a prévu« deux heures de sport » par jour, « des exercices de respiration et des petits mouvements ». Un système d'accrochage de cordes élastiques doit ainsi luipermettre de faire un peu de musculation. 

« En restant statique, l'univers se déploie d'une étrange façon. C'est difficile au début, les deux ou trois premiers jours. Il faut se concentrer, ne pas partir à la dérive », explique-t-il.  Embarqué à bord de l'animal comme « pour un voyage en haute-mer, il y aura des jours de tempête intérieure et des jours calmes. Treize jours, c'est d'ailleurs le temps d'une traversée entre l'Europe et l'Amérique... Il fauttenir le cap ». C'est la façon de le tenir, justement, qui l'intéresse. « L'expérience de l'enfermement m'étonne à chaque fois. Je me rapproche de la pratique méditative des ermites, et c'est quelque chose de très fort. »

« GUERRE ET PAIX » DANS LA « PORTIÈRE » DE L'OURS

Dans son « île » introspective et animale, qu'a-t-il apporté ? Beaucoup de lecture, car les livres sont une façon « de s'évader » : « Un traité de vie intérieure, le dernier livre de Nathalie Quintane... » On aperçoit également Guerre et paix, de Tolstoï, glissé dans la « portière » de l'ours, la trappe qui referme le ventre de l'animal une fois l'artiste en position.

La performance est relayée par deux caméras : l'une à l'intérieur, la seconde dans la salle. Ce double dispositif vidéo, retransmis 24h /24 sur le site du musée, permet de voir en parallèle l'artiste et les visiteurs déambuler autour de l'ours. Les images sont également visibles sur des écrans dans le Musée de la chasse, au Palais de Tokyo (Paris), au MAC/VAL (Vitry-sur-Seine) et au Musée Gassendi, à Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence).

Si chacun peut suivre la performance en temps réel, Abraham Poincheval a en revanche choisi de se déconnecter du monde extérieur. Point d'ordinateur ou de téléphone, il garde seulement sa montre, pour organiser ses journées et la régularité de ses repas. L'artiste peut couper la caméra interne lorsqu'il a besoin d'intimité.

THOREAU ET « BOUCLE D'OR »

Dans un Musée de la chasse et de la nature rempli de trophées taxidermés, le visiteur qui veut savoir dans quel ours se cache l'artiste devra jeter un œil à l'intérieur de l'animal... Encore faut-il oser le faire : sous le pelage, l'artiste a dissimulé un œilleton « au niveau de l'anus de l'ours ».

Il est aussi possible de discuter avec l'artiste ou de lui faire la lecture. Un fauteuil est d'ailleurs installé devant la tête de l'ours près d'une table où sont posésWalden ou la vie dans les bois, de Thoreau, 20 000 Lieux sous les mers, de Jules Verne, ou encore les Contes de Perrault et Boucle d'or et les Trois Ours. L'ours libérera son occupant le 13 avril. (Article d’Emmanuelle Jardonnet).

 

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Commentaires
S
Je me fais la réflexion que ce que j'attends sans doute d'un artiste, c'est qu'il prenne des risques en mettant sa vie, son corps, ses émotions en jeu. Le rôle de l'artiste n'est-il pas - entre autre- de transformer une idée, un fantasme, une lubie, un rêve en réalité? C'est ce que cet Abraham Poincheval fait. Il vit une expérience insensée, incroyable, inutile.Il va vivre une expérience de sage, de fou et de martyre tout à la fois. C'est merveilleux parce qu'il y croit et qu'il va aller jusqu'au bout. Il donne lui même du sens à son expérience, il crée sa vie.
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M
Incroyable. je ne suis pas sûre d'aimer et encore moins sûre de ne pas aimer. Soit c'est un fou soit c'est un sage... Je choisis pour le sage
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