Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blog de Séverine Bourguignon, artiste et thérapeute
1 août 2013

ELOGE DU VIDE

Je suis allée voir l’exposition DYNAMO (sur l’art cinétique, les illusions d’optiques, jeux de lumière)  au Grand Palais car j’en entendais dire du bien. Je n’ai pas été déçue et pourtant…

 

Comme à chaque fois que je suis allée au Grand Palais, j’ai trouvé la fréquentation si dense qu’elle en devient insupportable. On se bouscule devant les créations, on se presse pour éviter la vague d’affluence qui arrive juste derrière, on étouffe parfois et le contact à l’œuvre est inexistant. Pas de place, pas de temps, pour se poser devant le tableau et le méditer. Bougez, bougez ! Mais alors, dans une exposition où les œuvres sont sensorielles, créent des sensations, déstabilisent ou troublent nos sens comment ça se passe si on n’a pas la possibilité ou l’espace de ressentir cela ? Comment faire quand la foule immobilise nos perceptions, supposées nous mettre en relation à l’œuvre ?

Je me pose la question de savoir qui (quel artiste ?) le public retient et ce qu’il en retient. J’ai, pour ma part, trouvé difficile dans ces conditions d’éprouver du plaisir. Je rajoute que, de surcroît, l’exposition est très complète, vraiment riche et intéressante mais n’est-elle pas trop dense justement? C’est un comble de dire cela, mais qui a l’endurance, la concentration de s’intéresser à toute l’exposition ? S’agit-il d’être sélectif et de ne s’attarder qu’à certaines salles ou encore s’agit-il de picorer et de survoler l’ensemble ?

 

J’oubliais que pour les visiteurs qui n’en avaient pas assez, il y avait la possibilité de télécharger dès le début du parcours une application pour avoir des explications supplémentaires et poster à la fin une photo de soi dans l’expo sur le blog de Dynamo. Et nombreux étaient ceux qui s’adonnaient à cette extension gratuite de l’exposition. Déjà que j’avais du mal à tout apprécier en raison de la foule et de la quantité d’œuvres, je ne vois pas comment j’aurai fait pour, en plus, avoir à suivre sur mon téléphone portable. Je me suis dit que ça vaudrait la peine de revenir mais, pour être honnête, combien reviennent une seconde fois voir l’expo (faire la queue 2 fois, payer 2 fois) ? Cette surenchère de propositions associées à l’aspect ludique et à l’interactivité nous mettaient d’ailleurs parfois à la limite de la fête foraine, de l’attraction de foire. De quoi satisfaire le public « enfants », or ceux que j’y ai vu étaient engloutis par les jambes des adultes, et les œuvres positionnées bien hautes pour des petites tailles ou des fauteuils roulants.

 

C’est terrible de faire la critique d’une exposition où quantité et qualité étaient pourtant au rendez-vous. En terme de stimulation du public, de donner à en voir pour son argent et de répondre aux critères habituels de société de consommation, Dynamo était à la pointe de la satisfaction client. En terme de sensibilisation à l’art, de sens de l’art, de façon dont l’art se construit (avec du temps, de la patience, de la recherche), je ne m’y retrouve pas. J’ai ce sentiment particulier sur Dynamo et pas sur d’autres expositions que j’ai pu voir au Grand Palais car Dynamo était si pléthorique qu’elle en paraissait vomir les œuvres, tel un monstre malade de n’avoir su choisir entre ces mets subtils. 

 

Julio Le Parc    Julio Le Parc1

 

Et une anecdote pour finir la visite : Un jeune homme d’une vingtaine d’années, passe rapidement dans mon dos alors que je m’arrête devant une installation et, tout en continuant à marcher d’un bon pas dans le sens de la visite, dit à ses amis en passant devant une œuvre : « Et là, nous voici au rayon IKEA ». Il s’agit en réalité d’un « continuel mobile » de Julio le Parc, datant du début des années 60. J’aurai trouvé encourageant qu’il s’arrête et en discute plutôt que de lancer cette phrase facile, insignifiante à en devenir méprisante car déconnectée de l’œuvre, de l’artiste, de l’époque, de l’histoire de l’art. IKEA existe depuis 1943, fait et a fait appel à des designers pour concevoir les meubles et les objets qui peuplent les magasins. J’aurai aimé que ce jeune homme prenne le temps de se demander comment une œuvre d’art se démocratise, devient objet de masse populaire à tel point qu’elle passe au fil des ans d’une galerie d’art jusqu’à dans son salon d’étudiant bon marché.

 

 « Les vases sont faits d'argile, mais c'est grâce à leur vide que l'on peut s'en servir »
Eloge du vide par Lao Tseu

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
Newsletter
Publicité